Mise en demeure de payer loyer : modèle, procédure et droits du locataire et du propriétaire

Personne ne signe un bail en imaginant devoir, un jour, envoyer ou recevoir une mise en demeure de payer son loyer. Et pourtant, les imprévus arrivent : perte d’emploi, facture qui tombe au mauvais moment, oubli, tension dans la relation locataire/propriétaire… Quand le loyer ne suit plus, l’humain se mélange rapidement au juridique.

Dans cet article, je vous propose de dérouler calmement ce qui se cache derrière cette expression parfois anxiogène : « mise en demeure de payer le loyer ». Modèle, procédure, droits de chacun… L’idée n’est pas de juger, mais de comprendre, pour agir avec moins de stress et plus de clarté.

Qu’est-ce qu’une mise en demeure de payer le loyer ?

La mise en demeure est une lettre formelle par laquelle le propriétaire (ou l’agence) demande au locataire de régler des loyers et/ou charges impayés, dans un délai précis. C’est un avertissement juridique : on ne parle plus d’un simple rappel, mais d’un courrier qui peut servir de base à des démarches ultérieures (recouvrement, résiliation du bail, procédure judiciaire).

Dans les locations d’habitation soumises à la loi du 6 juillet 1989, la « vraie » étape décisive pour résilier le bail en cas d’impayé est souvent le commandement de payer délivré par huissier (surtout en présence d’une clause résolutoire). Mais, dans la pratique, de nombreux propriétaires commencent par une mise en demeure envoyée par lettre recommandée avec avis de réception (LRAR).

Ce courrier a plusieurs utilités :

  • Fixer clairement la dette : montant dû, période concernée, éventuelles pénalités prévues au bail.
  • Prévenir officiellement : le locataire comprend qu’il ne s’agit plus d’un simple rappel amiable.
  • Montrer sa bonne foi : en cas de procès futur, le juge verra que le propriétaire a tenté de régler la situation à l’amiable.

Pour le locataire, ce n’est pas encore la fin de tout. C’est un signal fort, certes, mais qui peut aussi être l’occasion de reprendre la main : discuter, proposer un échéancier, faire valoir ses droits.

Quand déclencher une mise en demeure de payer ?

Les pratiques varient, mais quelques repères peuvent aider.

On parle d’« impayé » lorsque le loyer n’est pas versé à la date prévue au bail. Beaucoup de propriétaires laissent passer quelques jours, voire une quinzaine, surtout quand les relations sont bonnes ou en cas de retard habituel mais ponctuel.

En général, on suit ces étapes :

  • Relance amiable : un message, un appel, un mail ou un courrier simple, parfois dès quelques jours de retard.
  • Première alerte plus formelle : si rien ne bouge après 2 à 4 semaines, un courrier plus solennel, rappelant les montants dus et les échéances.
  • Mise en demeure de payer (LRAR) : lorsque l’impayé se prolonge (souvent à partir d’1 ou 2 mois de loyer en retard) ou si le dialogue est rompu.

Dans le cas d’un bail d’habitation avec clause résolutoire, la vraie étape juridique clé est le commandement de payer par huissier, qui laisse au locataire un délai de 2 mois pour régulariser avant que le bail puisse être résilié. La mise en demeure « simple » n’est donc pas obligatoire, mais vivement conseillée pour garder une relation la plus sereine possible et éviter d’en arriver trop vite aux extrêmes.

Lettre simple, mise en demeure ou huissier : que choisir ?

Tout dépend de la situation et de la relation entre propriétaire et locataire.

  • La relance informelle
    Un propriétaire qui connaît son locataire et sait qu’il traverse un moment difficile (chômage, séparation, maladie…) peut commencer par un ton très souple. Un simple message pour demander où en est le virement, rappeler la date, proposer d’en parler. Parfois, cela suffit.
  • La mise en demeure par LRAR
    C’est la version sérieuse mais encore « gérable ». Elle forme une trace écrite datée, reconnue devant les tribunaux, et indique clairement : « Nous devons régler cette situation, ensemble ou devant un juge ». Elle peut suffire à débloquer des dossiers qui traînaient.
  • Le commandement de payer par huissier
    Là, on entre pleinement dans la procédure légale. L’huissier (devenu commissaire de justice) signifie au locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail. Cette étape est obligatoire si le propriétaire veut, à terme, faire résilier le bail pour impayé. Elle ouvre un délai de 2 mois durant lequel le locataire peut :
    • régler sa dette,
    • demander une aide (CAF, FSL, etc.),
    • tenter de négocier des délais de paiement.

Souvent, la mise en demeure « maison » est une dernière tentative pour éviter d’en arriver au commandement d’huissier.

Que doit contenir une mise en demeure de payer le loyer ?

Pour être claire, utile juridiquement et compréhensible pour le locataire, une mise en demeure doit contenir plusieurs éléments essentiels :

  • Les coordonnées complètes du propriétaire (ou de l’agence) et du locataire.
  • La référence du contrat de location : adresse du bien, date de signature du bail.
  • Le détail précis des sommes dues :
    • loyers impayés par mois concerné,
    • charges impayées,
    • éventuelles pénalités ou intérêts de retard s’ils sont prévus au bail (et restent raisonnables).
  • Un délai pour payer : par exemple 8 ou 15 jours à compter de la réception.
  • Les suites possibles en cas de non-paiement : commandement d’huissier, saisie du tribunal, résiliation souhaitée du bail.
  • La forme : une lettre recommandée avec avis de réception est fortement recommandée.

Modèle de lettre de mise en demeure de payer le loyer

Voici un exemple de lettre que le propriétaire peut adapter. Elle n’a pas valeur de conseil juridique personnalisé, mais donne une bonne base.

Objet : Mise en demeure de payer les loyers impayés

Madame, Monsieur,

Vous êtes locataire du logement situé au : [adresse complète], en vertu d’un bail signé le [date de signature du bail].

Sauf erreur de ma part, les loyers et charges suivants restent impayés à ce jour :

– Loyer et charges du mois de [mois/année] : [montant] €
– Loyer et charges du mois de [mois/année] : [montant] €
– Total des sommes actuellement dues : [montant total] €.

Par la présente, je vous mets en demeure de régler l’intégralité de cette somme dans un délai de [8 / 15] jours à compter de la réception de ce courrier, par [préciser le mode de paiement accepté].

À défaut de régularisation dans ce délai, je me verrai dans l’obligation d’engager la procédure appropriée, pouvant aller jusqu’à la délivrance d’un commandement de payer par huissier en vue de la résiliation de votre bail, et, le cas échéant, la saisine du tribunal compétent.

Si vous rencontrez des difficultés financières, je vous invite à me contacter rapidement afin d’envisager ensemble des solutions (échelonnement de la dette, démarches auprès des organismes d’aide au logement, etc.).

Je vous prie d’agréer, Madame, Monsieur, l’expression de mes salutations distinguées.

[Nom, prénom du propriétaire]
[Adresse]
[Signature]

Droits et obligations du propriétaire face à un impayé

Être propriétaire, ce n’est pas seulement percevoir un loyer. C’est aussi respecter un cadre légal précis, même en cas d’impayé. Quelques rappels importants :

  • Ne jamais se faire justice soi-même
    Changer la serrure, couper l’eau ou l’électricité, déplacer les meubles ou entrer dans le logement sans autorisation sont strictement interdits et peuvent se retourner lourdement contre le propriétaire (dommages-intérêts, condamnations pénales).
  • Respecter la procédure
    Une fois la mise en demeure envoyée, si la situation ne se débloque pas, il sera souvent nécessaire de :
    • faire appel à un huissier pour un commandement de payer,
    • prévenir la caution, si une personne s’est portée garante,
    • informer la CAF ou la MSA en cas d’APL,
    • éventuellement saisir le tribunal judiciaire pour faire constater la résiliation du bail et demander l’expulsion.
  • Favoriser les solutions amiables
    Avant d’engager une longue procédure, beaucoup de propriétaires choisissent de discuter : proposer un échelonnement, accepter un calendrier de remboursement, pointer le locataire vers les services sociaux ou le Fonds de solidarité pour le logement (FSL). Parfois, accepter de patienter un peu permet de sauver une relation locative saine sur le long terme.

Une petite anecdote de terrain : certains propriétaires racontent qu’un simple rendez-vous autour d’un café, avec les relevés de compte et un calendrier, a parfois évité une procédure d’expulsion… et permis de garder un locataire fiable, une fois le « trou d’air » passé.

Droits et protections du locataire en cas de mise en demeure

Recevoir une mise en demeure n’enlève pas au locataire ses droits. Elle ne signifie pas que le bail est déjà rompu ni qu’il devra quitter les lieux dans la semaine.

  • Droit à l’information
    Le locataire peut demander des précisions sur le calcul des sommes réclamées, exiger un décompte clair des loyers et charges, vérifier les provisions de charges et les régularisations. Un dialogue sur les chiffres évite parfois bien des malentendus.
  • Possibilité de contester
    Si le locataire estime que certaines sommes réclamées sont injustifiées (travaux non effectués, charges mal calculées, réparations à la charge du propriétaire, etc.), il peut le signaler par écrit, voire solliciter une association de locataires ou un avocat.
  • Droit de demander des délais de paiement
    En cas de procédure judiciaire, le juge peut accorder des délais de paiement allant jusqu’à 3 ans, selon la situation du locataire (article 1343-5 du Code civil). Même avant le tribunal, rien n’empêche locataire et propriétaire de signer un accord d’échelonnement écrit.
  • Protection renforcée en période de trêve hivernale
    Entre le 1er novembre et le 31 mars, une expulsion locative est en principe suspendue (sauf cas particuliers), même si la procédure est engagée. Cela ne bloque pas la mise en demeure ni le commandement de payer, mais donne au locataire du temps pour trouver des solutions.
  • Recours aux aides
    Le locataire peut se tourner vers :
    • la CAF ou la MSA, pour vérifier ses droits ou demander des aides exceptionnelles,
    • le FSL (Fonds de solidarité pour le logement), géré par le département,
    • un travailleur social, une association de défense des locataires, ou un Point Justice.

L’important, pour le locataire, est de ne pas laisser la lettre dormir dans un tiroir. Même si la situation est compliquée, ouvrir le dialogue est souvent la meilleure défense.

Après la mise en demeure : quels scénarios possibles ?

Une fois la mise en demeure envoyée, plusieurs chemins restent ouverts, plus ou moins apaisés.

  • Le locataire paie la totalité de la dette
    La situation est régularisée, le propriétaire renonce à toute procédure, et tout le monde reprend le cours normal du bail. Il est utile de garder précieusement les preuves de paiement et le courrier de mise en demeure, au cas où.
  • Un accord d’échelonnement est trouvé
    Le propriétaire et le locataire peuvent signer un écrit prévoyant, par exemple :
    • « X € de loyer mensuel habituel + Y € par mois pour rembourser la dette sur Z mois ».

    Cet accord doit être réaliste : rien ne sert de demander au locataire un effort qu’il ne pourra pas tenir. Un accord respecté vaut mieux qu’une résiliation compliquée.

  • Le locataire ne répond pas ou ne paie pas
    Dans ce cas, le propriétaire peut passer à l’étape supérieure :
    • faire intervenir un huissier pour un commandement de payer,
    • prévenir la caution éventuelle,
    • puis, en l’absence de régularisation, saisir le tribunal.

    Le juge décidera alors :

    • de maintenir le bail, avec éventuellement des délais de paiement,
    • ou de constater la résiliation du bail et d’ordonner l’expulsion, avec un calendrier précis.
  • La sortie négociée
    Parfois, les deux parties conviennent qu’il est préférable de mettre fin au bail d’un commun accord, avec un calendrier de départ et, si possible, un plan pour le règlement de la dette. Ce type d’accord peut éviter une procédure lourde, mais doit être rédigé avec soin.

Derrière chaque impayé, il y a une histoire, des fragilités, et parfois aussi des abus. La mise en demeure est un outil pour remettre un cadre, pas une arme pour détruire la relation. Utilisée avec mesure, elle peut être le début d’une solution plutôt que la fin d’une location.

Que vous soyez locataire ou propriétaire, n’hésitez pas à vous faire accompagner par des professionnels (agences immobilières, huissiers, avocats, associations) si vous sentez que la situation vous dépasse. Un regard extérieur et neutre permet souvent de retrouver un peu de sérénité… et de transformer une lettre de mise en demeure en simple parenthèse, plutôt qu’en fracture définitive.